Victoire : Des colères qui font échos au deuil et à la séparation périnatale.

Publié le 9 mai 2025 à 17:16

Victoire a 4 ans. Elle pleurait beaucoup bébé et manifeste aujourd'hui de fortes colères, souvent imprévisibles et difficiles à apaiser. Derrière ce comportement, sa maman sent qu’il y a "autre chose”, comme un appel plus profond.

L'empreinte du deuil périnatal et d'une séparation brutale :

Dès le début de nos échanges, elle me parle d’un événement marquant survenu seulement quelques mois avant la conception de Victoire : la perte de son premier bébé, Alice, décédée in utero à 7 mois et demi de grossesse. Une blessure encore vive, qui a teinté toute la grossesse suivante, celle de Victoire, d’une peur permanente. L’accouchement, déclenché avant terme à cause d’une hypertension gestationnelle, s’est terminé par une extraction aux forceps. Autant d’éléments qui peuvent s’imprimer profondément dans la mémoire émotionnelle du bébé à naître.

Lors de la séance Raconte-moi mon histoire, nous avons utilisé des peluches et des objets pour raconter à Victoire son histoire périnatale, avec des mots simples et des images symboliques. Nous avons parlé de la perte de sa grande sœur Alice, et reconnu ce qu’elle avait peut-être ressenti en arrivant ensuite dans le ventre de sa maman, encore abattue de chagrin et par le deuil difficile à faire. Victoire a pu porter en elle cette peur de mourir elle aussi, ce sentiment d’insécurité et cette impression diffuse que quelque chose de grave s’était passé avant elle.

Est-ce que j’en suis la cause ? Est-ce que cela pourrait se reproduire ?…

"Je dois réparer cela".

Aussi, nous identifions que Victoire est arrivée avec une place complexe à occuper : celle du "bébé d’après", du "bébé vivant", attendu à la fois avec amour et avec une immense angoisse. Elle a pu sentir qu’elle devait "réparer", ne pas décevoir, être parfaite pour apaiser la douleur de ses parents. Une pression inconsciente mais bien réelle, qui peut provoquer chez l’enfant une tension intérieure, une colère inexpliquée, une grande exigence envers elle-même.

Le déclenchement de l’accouchement, vécu comme une contrainte, une séparation forcée, a pu générer chez elle un sentiment d’impuissance, d’angoisse, voire de colère : on ne lui a pas laissé le choix de naître quand elle était prête. L’extraction aux forceps, bien que nécessaire à ce moment là, brutale et potentiellement douloureuse, a pu être vécue comme une agression physique et lui donner l’impression d’un monde extra-utérin violent et effrayant.

Un prénom aussi beau que rempli de sens :

Le prénom Victoire n’a d’ailleurs pas été choisi par hasard : la maman me confie avec beaucoup d’émotion qu’il reflète leur intention de célébrer la vie après la perte d’Alice. Une façon d’honorer ce chemin traversé…mais aussi une attente symbolique forte qui peut peser sur les frêles épaules de Victoire.

Grâce à la méthode Raconte-moi mon histoire, nous avons permis à Victoire et à ses parents de faire des liens entre ce passé silencieux et les émotions actuelles. Cette mise en sens, avec les peluches, de façon aussi douce que ludique, permet souvent un apaisement profond autant pour l’enfant que pour les parents.

Depuis cette séance, les colères de Victoire et leur intensité se sont atténuées. Elle semble plus apaisée, et sa maman aussi.

Nos enfants prennent parfois malgré eux le rôle de messagers d'émotions et d’histoires non exprimées... Leur permettre de les entendre et de les intégrer, c’est leur offrir un pas vers plus de paix intérieure et d'harmonie familiale.

*Prénoms modifiés.

Merci aux parents pour leur confiance et de me permettre de partager et de mettre en mots leur histoire familiale. ♥️